Favoriser le dépistage des cancers dans une région à forte incidence

health / environment

Le dépistage précoce de certains cancers a permis de radicalement changer leur prise en charge. Aujourd’hui, la détection précoce du cancer du sein permet à 99% des femmes atteintes d’être en vie 5 ans après le diagnostic. Encore faut-il aller se faire dépister !

Dans la Somme-Sud-Ouest, la part de la population qui se fait dépister est l’une des plus faibles du territoire métropolitain. La demande de la Communauté de Communes (CC2SO) a été de créer une exposition itinérante pour sensibiliser à l’importance du dépistage. 

Pas facile de déplacer les foules sur ce sujet… The Ink Link propose une approche singulière à impact, pour interpeller sur la nécessité de systématiser les dépistages. 

A déployer sur tous les territoires !

 

The Ink Link sur le terrain

Une première phase d'enquête a permis à The Ink Link d’évaluer la perception des campagnes nationales existantes, et de proposer des axes pour concevoir l’exposition itinérante. Il est apparu : 

  • Une méconnaissance du sujet. Tout le monde sait que le cancer existe et en a terriblement peur. Mais le cancer reste méconnu sur un plan biologique. A la question «Qu'est-ce que le cancer selon vous ?», les réponses peuvent être surprenantes : « Le cancer, c'est perdre ses cheveux ». Aux questions plus précises : “Dans le corps, il se passe quoi ?”, peu de monde sait répondre. Or la  compréhension d’une mécanique cellulaire défectueuse, c’est-à-dire des cellules qui se divisent trop, permet de comprendre l’idée de cancer localisé, qui va se diffuser, et l’importance de le traiter tôt avant cette diffusion cellulaire.. 
    Le constat est clair : le  dépistage est peu compris. Par exemple, près d’un tiers des femmes interrogées ont découvert que le frottis du col était une intervention de dépistage du col de l’utérus !
  • Une mauvaise interprétation des statistiques. Les campagnes nationales utilisent souvent les chiffres et la peur comme levier de mobilisation. Elles affichent en gros caractères des statistiques telles que "Le cancer du sein, c’est plus de 12 100 décès par an". À l'échelle nationale, ce chiffre représente un pourcentage faible (avec 68 millions d'habitants, c’est une personne sur 10 000), mais localement, les lecteurs ne font pas le calcul et lisent juste un chiffre alarmant. En conséquence, après avoir lu ces informations, lorsque nous demandons aux lecteurs : "Selon vous, si un cancer du sein est dépisté au stade 1, quelles sont les chances de rémission ?", ils ont répondu en moyenne 1 chance sur 3, alors que le taux de rémission est actuellement de 99% !
    Cette mauvaise interprétation amène du défaitisme : "À quoi bon se faire dépister, de toute façon si quelque chose est trouvé, je n'aurais aucune chance".
    Dans le contexte sensible du cancer, la peur ne semble pas être le meilleur levier de mobilisation :  la maladie est déjà redoutée et malheureusement fréquente, et la plupart des personnes en âge de se faire dépister ont probablement été touchées de près ou de loin par cette maladie mais ne vont pas pour autant se faire dépister.

Notre proposition : Créer une dynamique positive, narrative et participative sur la nécessité du dépistage

Challenge 1 : “aller vers” puis “faire venir”

Faire venir le public vers l’exposition itinérante était un premier challenge. Nous avons favorisé l’implication de la population dans la création : si les habitant.es ont créé et sont exposé.es, ils et elles seront plus motivés à venir voir l’exposition avec leurs ami.es et familles.

Deux dispositifs participatifs ont été mis en place par The Ink Link : 

  • Une série de 30 micro-trottoirs dessinés. Nous sommes allés à la rencontre des habitant.es sur les lieux de vie de la collectivité (marchés, centre aquatique, bus itinérant de l’ action sociale) en leur proposant de réaliser leur portrait, tout en leur posant quelques questions sur le sujet. Ces portraits, dessinés par l’artiste MatLet, ont été réunis dans une grande fresque visible dans l’exposition

 

  • Une création d'œuvre collaborative. Lors d’ateliers, 28  habitant.es volontaires ont créé des supports colorés qui ont ensuite été repris par l’artiste plasticienne Cécile Rousseau, pour imaginer 28 oeuvres autour des différentes étapes du dépistage

L’ensemble de ces créations étaient valorisées dans l’exposition itinérante dans les communes de la Somme Sud-Ouest.

Challenge 2 : proposer des narrations différentes

Toutes les personnes interrogées associent le dépistage à la peur. Peur de mourir, peur de vieillir, peur de la maladie… A la réception de l’information sur le besoin d’aller se faire dépister, beaucoup sont tenté.es de la mettre sous le tapis, tout en sachant qu’elle est là.

Trois groupes de discussions ont été organisés sur les  émotions ressenties lors d’un parcours de dépistage. L’objectif était de lister les émotions associées aux différentes étapes que sont  la réception de l’information sur le dépistage, la prise de rdv, l’attente du rdv, l’examen, l’attente des résultats, l’annonce des résultats, le soin éventuel.

Ce qu’il ressort en termes d’émotion, c’est que tout le monde ressent le cancer comme une épée de Damoclès. et qu’en creusant, quel que soit le résultat du test on sera soulagé. Soit en sachant qu’on n’a rien, soit en apprenant qu’on a quelque chose, mais qu’il va pouvoir être pris à temps et de manière beaucoup moins lourde grâce au dépistage.

Les participant.es ont ensuite pu créer des supports colorés fondés sur les émotions ressenties lors des groupes de discussion. Ces supports ont ensuite été travaillés par l’artiste plasticienne, et exposés, pour partager avec les futur.es visiteurs.

 

Challenge 3: transmettre les connaissances de base nécessaires et augmenter le pouvoir d’agir

Une fois les visiteurs présent.es à l’exposition, des informations scientifiques et biologiques sont présentées, pour mieux comprendre les mécanismes du cancer et l’importance du dépistage précoce.

Ces informations ont été vulgarisées de manière à simplifier l’essentiel et à ajouter une dimension ludique, pour tenter de dédramatiser le sujet.

L’exposition circule sur le territoire de la Somme Sud-Ouest.

Les habitant.es en sont très satisfait.es : “Même si c'est un sujet qui fait peur, c'est très rassurant... Se dépister c'est important!"